Le chauffeur Franco Minikus, 56 ans, de Raperswilen (TG), préside la section thurgovienne des Routiers Suisses et conduit des semi-remorques à benne basculante pour l’entreprise Toggenburger de Winterthour. Il a également pu compter sur son employeur lorsqu’il a dû se battre pour reprendre son métier de chauffeur après un grave accident.
La benne de la semi-remorque est remplie de matériaux d’excavation. «Cette marchandise va à Biberist (SO) dans un entrepôt intermédiaire appartenant à Vigier, situé sur le site de l’ancienne usine de papier», explique Franco Minikus, au volant de son Scania sur l’autoroute A1, que nous avons prise en direction de l’ouest. «J’ai pu charger hier, ce qui m’a permis de me mettre en route de bonne heure», c’est ce qui explique que nous avons quitté le site de l’entreprise Toggenburger à Saint-Gall peu après 5 h ce matin.
Franco Minikus est président de la section thurgovienne des Routiers Suisses depuis trois ans, et chauffeur depuis bien plus longtemps bien sûr. «A l’origine, je voulais faire un apprentissage de mécano sur poids lourds, chez Saurer à Arbon», explique-t-il. «Mais Saurer était déjà au bord de la faillite et n’offrait plus de places d’apprentissage.» Il a donc fait un apprentissage de ferblantier et a commencé tout de suite après à travailler comme chauffeur en conduisant des camions-bennes dans une petite entreprise. «J’ai grandi avec ce métier», dit-il. «Ma mère tenait un restaurant fréquenté par des chauffeurs et mon père avait une entreprise de transports.» Lorsque celui-ci est décédé prématurément, Franco aurait pu reprendre l’entreprise. «J’étais encore très jeune et je n’étais pas prêt», se souvient-il. Dès lors, il a transporté des marchandises de détail, notamment une première fois pour son employeur actuel, Toggenburger, et a voyagé dans toute l’Europe en tant que chauffeur indépendant pour une autre entreprise de transports. Son chemin l’a ramené chez Toggenburger, où il a effectué des transports en camions-bennes, des transports lourds et conduit des camions malaxeurs pendant dix-sept ans.
Le dimanche fatidique
A Biberist, Franco Minikus conduit le camion à travers l’immense site de la fabrique de papier, qui est aujourd’hui utilisé par les entreprises les plus diverses, dont le spécialiste des matériaux de construction Vigier. Avant de décharger les matériaux d’excavation, il monte sur la balance: «Je transporte souvent des composants pour des centrales à béton ou des matériaux d’excavation», dit-il. Il lui arrive aussi de récupérer des matériaux pollués lors de l’assainissement de stands de tir. «C’est ainsi que je me rends dans les stands de tir, ce qui me permet aussi de varier les plaisirs.»
Le fait qu’il conduise aujourd’hui des semi-remorques à benne basculante est lié au «dimanche fatidique» d’il y a deux ans, comme il l’explique. Tout a commencé par une randonnée à moto avec son fils qui devait en principe passer par le col de la Furka après le col du Grimsel. Comme cet itinéraire était fermé à cause d’un accident, ils ont dû replanifier leur virée et sont finalement passés par le col de l’Oberalp. Ils avaient devant eux un semi-remorque qui était en route pour un organisateur d’événements et qui pouvait donc aussi rouler le dimanche. «Ce n’est que lorsque j’ai eu une bonne visibilité sur une ligne droite que j’ai entamé un dépassement», se souvient Franco Minikus. Mais toute ces précautions n’ont servi à rien lorsque le semi-remorque s’est déporté sans raison sur la voie opposée. «Mon fils est tombé sur la route et il s’en est sorti avec un choc. En ce qui me concerne, j’ai heurté le mur de pierres avec la moto, je suis retombé sur la route et la moto est retombée sur moi.» Un conducteur de camping-car, ancien chauffeur, avait tout vu et a pu tout raconter. «Je n’ai pas été sanctionné, car je n’étais absolument pas fautif», explique Franco Minikus. Mais voilà: «Les cinquième et septième vertèbres cervicales étaient cassées, huit vertèbres sont maintenant raidies et mon épaule gauche est également toute neuve», ce qui explique que j’ai ensuite dû effectuer un séjour de rééducation de douze semaines.
«Tu peux compter sur nous»
Bien qu’au début, il ne savait pas encore ce qu’il allait devenir professionnellement, il a reçu une réponse motivante du service du personnel de l’entreprise Toggenburger: «Tu peux compter sur nous, m’a dit la responsable des RH, ce qui était très précieux et important pour moi.» Il s’est avéré qu’il ne pourrait plus travailler avec le camion malaxeur, car cette activité est parfois trop physique. Il a donc repris le travail à 30 %, au volant d’une semi-remorque à benne basculante. Son véhicule actuel a été spécialement aménagé pour lui avec une couchette. «Je peux ainsi m’allonger pendant les pauses quand j’ai mal», explique-t-il. L’AI a cofinancé cet extra par le biais d’un versement unique, à titre de contribution à la réintégration, ce qui a manifestement fonctionné. «Je suis maintenant à 80 % et je suis très heureux d’être de retour et de pouvoir continuer à travailler comme chauffeur», dit-il. «Après tout, il me reste encore huit ans avant la retraite.»
Sur le chemin du retour depuis Biberist, tout se passe bien, sauf qu’il y a des bouchons dans le sens inverse. Mais peu importe les conditions: «Il faut simplement rester calme, tout le reste ne sert à rien. De toute façon, ça ne va pas s’améliorer avec le trafic qui augmente.»
Texte et Photos: Daniel von Känel